À la fin du mois de septembre dernier, Donald Trump a rendu publique une « proposition de paix » pour la bande de Gaza contenue dans un accord en 21 points que le gouvernement israélien et le Hamas devaient signer et respecter. Peu après, Trump a annoncé que les deux parties l’avaient accepté et que les points de l’accord commençaient à être appliqués avec un cessez-le-feu immédiat et l’échange de prisonniers. Cependant, plus d’un mois après cette annonce, nous assistons en réalité à une crise profonde de ce plan.
Par: CORI-QI
Dans un article déjà publié sur cette page, nous avons analysé que le plan de Trump avait pour objectif immédiat de « donner un répit » au gouvernement de Benjamin Netanyahu qui, malgré le nettoyage ethnique mené à bien à Gaza à l’aide de méthodes génocidaires, n’atteignait aucun des objectifs qu’il s’était fixés en envahissant la bande de Gaza il y a deux ans. À savoir, d’une part, expulser le peuple palestinien afin d’annexer définitivement ce territoire à Israël. D’autre part, détruire le Hamas en tant qu’organisation militaire[1].
En contrepartie, l’invasion de Gaza entraînait un grand isolement international d’Israël, une combinaison de crises dans le pays même et de profondes divisions dans sa société. Le gouvernement Netanyahu était de plus en plus affaibli politiquement[2]. Dans le même temps, il tente également de « donner un répit » aux gouvernements des pays impérialistes qui soutiennent Israël et sont confrontés à des mobilisations massives et à des grèves contre ce soutien, y compris les États-Unis.
Mais outre ces objectifs défensifs, le texte de l’accord avait un objectif beaucoup plus offensif : profiter du rapport de forces extrêmement défavorable aux Palestiniens de Gaza pour les contraindre à accepter un accord dans lequel ils renonceraient à toute revendication de souveraineté sur Gaza, ce territoire étant transformé en protectorat des pays impérialistes, par le biais d’une commission internationale de paix supervisée par les États-Unis. Par ailleurs, comme les pays impérialistes « ne font rien sans arrière-pensée », ils veulent s’assurer que la reconstruction de Gaza soit une bonne affaire pour eux, comme ils le font en Ukraine.
Un cessez-le-feu asymétrique
Le texte de l’accord était totalement asymétrique dès son premier point : le cessez-le-feu. Le Hamas devait rendre ses armes immédiatement, tandis que le retrait de l’armée israélienne se ferait en plusieurs étapes (tout en conservant bien sûr la capacité d’attaquer Gaza depuis le territoire israélien).
Dans le même temps, « discrètement », l’armée israélienne pose des bornes pour délimiter la frontière entre Israël et Gaza, volant ainsi des centaines de mètres à Gaza, tout le long de la ligne frontalière. Ce faisant, elle s’approprie une partie des rares terres agricoles qui restent à Gaza pour y installer, à l’avenir, des colonies de Juifs originaires de Russie. Il s’agirait d’une politique similaire à celle menée en Cisjordanie, territoire qui est « grignoté petit à petit »[3].
Dans ce contexte, « l’ordre » à Gaza serait maintenu par une « force internationale de paix » dont la base principale serait composée de soldats des pays arabes et à laquelle participeraient également des forces des pays européens. Dans ce cadre, Netanyahu a affirmé qu’Israël « se réservait le droit » de définir quelles forces pourraient entrer à Gaza et lesquelles ne le pourraient pas[4].
Concrètement, Trump rencontre de grandes difficultés pour former cette « force internationale de paix » qui, dans les faits, est paralysée[5]. Les pays arabes et musulmans ne veulent pas être impliqués dans un affrontement avec le Hamas, pas même ceux qui sont clairement complices d’Israël et de l’impérialisme, comme les régimes égyptien et jordanien.
Pour leur part, plusieurs pays impérialistes européens, comme la France et la Grande-Bretagne, sont prêts à intégrer cette « force de paix », à condition qu’elle soit approuvée et soutenue par l’ONU[6]. Trump n’a jamais voulu que ses propositions internationales passent par l’ONU, qu’il a accusée d’être « inutile » pour résoudre les « conflits armés dans le monde »[7]. Cependant, face au fait évident que sa proposition de former une « force internationale de paix » pour Gaza est prête à faire appel à cet organisme pour qu’il approuve sa formation. Il l’a fait par l’intermédiaire de son Conseil de sécurité[8], composé de cinq membres permanents (États-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie et Chine) et de dix membres tournants.
Quelques jours plus tard, il a annoncé que cette « force internationale » serait envoyée à Gaza « sous peu ». Il n’a plus fait aucune référence à l’ONU : il a déclaré qu’elle serait composée « de pays très puissants » et qu’elle serait « coordonnée par Washington ». Il a également menacé le Hamas en déclarant que si cette organisation « ne se comportait pas correctement », elle devrait faire face à cette force[9].
Nous ne savons pas s’il s’agit d’une nouvelle fanfaronnade de Trump ou si cette « force internationale » va réellement voir le jour. Si tel était le cas, il s’agirait d’une coalition militaire similaire à celle formée par Bush pour envahir l’Afghanistan et l’Irak. Si tel était le cas, cela entraînerait un changement important dans l’occupation et l’assujettissement de Gaza : ceux-ci ne seraient plus le fait d’un « tiers » (l’État israélien), mais directement des pays impérialistes. Dans ce cas, il serait nécessaire d’organiser de grandes mobilisations pour exiger le retrait immédiat de Gaza de cette « force internationale », en particulier dans les pays impérialistes qui l’ont formée.
Il est important de rappeler que les États-Unis et leurs alliés ont été durement battus en Irak et en Afghanistan, comme ils l’avaient été au Vietnam quelques décennies auparavant. Les grandes mobilisations dans les pays envahisseurs ont largement contribué à cette défaite. Trump et les gouvernements des pays qui composent cette force jouent littéralement avec le feu.
Pas de cessez-le-feu
Cependant, le principal facteur qui a mis cet accord en crise est qu’Israël n’a jamais respecté le cessez-le-feu. Le gouvernement israélien a mené une série de bombardements sur Gaza qui ont fait au moins 9 victimes palestiniennes[10].
C’est une attitude habituelle du gouvernement Netanyahu : en mars dernier, sous la pression interne et internationale, il a également déclaré accepter un cessez-le-feu proposé par Trump pour le rompre rapidement par des bombardements intensifs qui ont fait des centaines de victimes[11]. Ce fut une nouvelle démonstration claire du caractère impérialiste de l’État israélien qui, pour exister, doit mener une politique d’épuration ethnique permanente à l’aide de méthodes génocidaires à l’encontre du peuple palestinien afin de lui voler ses terres et de s’en approprier.
Dans le cadre de la rupture du cessez-le-feu, la crise de la société israélienne et sa division face à la situation à Gaza ont de nouveau été mises en évidence. L’ancienne chef du parquet militaire (la générale Yifat Tomer Yerushalmi) a divulgué à la presse une vidéo montrant des soldats réservistes israéliens violant un jeune prisonnier palestinien, un fait que l’armée a tenté de garder secret. Après cela, elle a disparu et s’est cachée dans une zone côtière. La police a commencé à la rechercher, craignant qu’elle ait été kidnappée ou assassinée. Elle l’a finalement retrouvée, arrêtée et elle sera désormais jugée pour ses actes[12].
Face à toute cette affaire, la société israélienne est divisée : une majorité la considère comme une traîtresse qui doit être punie, mais une autre partie estime qu’elle a bien agi face au caractère répugnant du fait que l’on tentait de dissimuler. Les deux camps s’attaquent violemment dans la presse et les médias. Face à cette situation, Isaac Herzog, président d’Israël (une fonction sans réel pouvoir politique mais dotée d’un prestige moral), a appelé à la « modération » et à l’apaisement du débat.
La résistance palestinienne se poursuit
Dans le même temps, le Hamas n’a pas rendu les armes et refuse de le faire[13]. Le site The world factbook (publié par la CIA) estimait que la branche militaire du Hamas (les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa) comptait environ 25 000 combattants armés et 20 000 autres personnes engagées dans des activités de soutien en 2022[14].
Après deux ans d’attaques israéliennes, il s’est quelque peu affaibli, mais on estime qu’il conserve près de 20 000 combattants bénéficiant d’un fort soutien de la population gazaouie. À ce chiffre, il faut ajouter les 2 000 combattants très actifs des Brigades Al-Quds (branche militaire de l’organisation Jihad islamique). Cette résistance armée palestinienne conserve sa capacité opérationnelle : elle peut par exemple attaquer des chars et des véhicules blindés israéliens à Gaza[15].
Le peuple palestinien peut dire avec fierté que, malgré les méthodes génocidaires utilisées par Israël, il a résisté héroïquement et n’a pas abandonné la bande de Gaza. Il peut également se réjouir d’avoir obtenu la libération d’une partie des prisonniers détenus par Israël dans ses prisons (certains depuis de nombreuses années). À leur libération, ils ont été accueillis avec une immense joie par leurs familles, leurs amis et leurs camarades[16].
Le CORI-QI maintient les divergences théoriques, politiques et stratégiques que nous avions avec le Hamas lorsque nous faisions partie de la LIT-QI[17]. Nous n’allons pas les réitérer dans cet article. Cependant, l’essentiel aujourd’hui est que le Hamas est l’expression armée de la résistance palestinienne dans la bande de Gaza. C’est pourquoi nous ne « condamnons » pas ses actions militaires contre Israël (comme l’ont fait d’autres organisations de gauche). Moins encore maintenant, alors qu’ils répondent à l’occupation israélienne et à ses méthodes génocidaires. Au contraire, nous les soutenons et les défendons parce que nous sommes dans le même « camp militaire » dans la lutte contre Israël.
Un « accord de paix » contre le peuple palestinien
Si l’accord était conclu dans tous ses points, cela signifierait de fait une grande défaite pour le peuple palestinien, car il renoncerait définitivement à récupérer Gaza. C’est pourquoi nous le rejetons et appelons à le combattre.
Cependant, comme nous l’avons vu, l’accord de paix de Trump traverse une crise profonde. En fait, on est revenu à la situation qui prévalait avant son annonce, celle qui a donné lieu à cette proposition. Israël attaque ce territoire, tue des Palestiniens, s’approprie des terres mais sans pouvoir consolider cette domination ; en même temps, il continue à être isolé et rejeté par la communauté internationale, et à traverser une crise interne.
Dans ce contexte, nous réaffirmons les propositions que nous avons faites dans notre article précédent. Nous soutenons sans réserve la lutte du peuple palestinien contre l’État israélien pour récupérer son territoire historique. Nous défendons l’idée que pour parvenir à une « Palestine libre du fleuve [Jourdain] à la mer », il est indispensable de vaincre militairement et de détruire l’enclave impérialiste israélienne. C’est une tâche très difficile, mais elle n’est pas impossible si nous la menons à bien dans le monde entier avec les objectifs et les méthodes corrects et nécessaires. Nous appelons tous les défenseurs honnêtes de la cause palestinienne à débattre et à promouvoir ce programme.
Toute proposition qui ne va pas dans ce sens (comme celle de lutter pour les « deux États » ou de défendre qu’il peut y avoir une « issue pacifique ») va à l’encontre des intérêts et des objectifs du peuple palestinien.
[1] https://coriqi.com/flottille-sumud-nous-soutenons-la-lutte-palestinienne-pour-mettre-fin-au-genocide/
[2] https://litci.org/es/las-crisis-del-estado-de-israel/?utm_source=copylink&utm_medium=browser
[3] https://www.bbc.com/mundo/articles/c620zqw29q9o
[4] https://cnnespanol.cnn.com/2025/10/26/mundo/netanyahu-israel-determinara-fuerzas-internacionales-gaza-trax
[5] https://www.telemundo.com/noticias/noticias-telemundo/internacional/que-es-la-fuerza-internacional-estabilizacion-gaza-trump-paz-plan-rcna241215
[6] https://ciudadanosurdiario.com.ar/nota.php?titulo=francia-y-reino-unido-ultiman-una-resolucion-en-la-onu-para-enviar-fuerza-internacional-a-gaza&id=26848&seccion=1&accion=seccion
[7] https://www.bbc.com/mundo/articles/c4g7pgdv522o
[8] https://cnnespanol.cnn.com/2025/11/04/mundo/fuerza-seguridad-gaza-resolucion-onu-trax
[9] https://www.poder360.com.br/poder-internacional/trump-diz-que-forca-internacional-chegara-em-breve-a-gaza/
[10] https://www.youtube.com/watch?v=i_lwGPaYe_M
[11] https://litci.org/es/israel-rompe-el-alto-el-fuego-y-reanuda-el-genocidio-en-gaza/?utm_source=copylink&utm_medium=browser
[12] https://www.abc.es/internacional/fiscal-jefe-militar-israeli-detenida-tras-horas-20251103095735-nt.html
[13] https://www.bbc.com/mundo/articles/c2kpgd0d81yo
[14] https://www.cia.gov/the-world-factbook/about/archives/2022/countries/gaza-strip/
[15] https://espanol.almayadeen.net/noticias/politica/2069957/resistencia-palestina-ataca-tanques-israelies-al-sur-de-ciud
[16] https://www.swissinfo.ch/spa/qui%C3%A9nes-son-las-grandes-ausencias-de-la-lista-de-presos-palestinos-liberados%3F/90165294
[17] https://litci.org/es/nuestros-acuerdos-y-diferencias-con-hamas/?utm_source=copylink&utm_medium=browser

